Suspendu pour deux mois par la Haute Autorité de la communication malienne pour avoir diffusé une émission avec des « propos diffamatoires » le 30 septembre sur sa chaîne, le média Joliba TV News n’est plus fonctionnel. Plusieurs organisations de presse maliennes ont condamné cette décision. Encore faut-il dire que depuis quelques mois déjà, la presse malienne est menacée et c’est ce la chaine a dénoncé dans son éditorial du 30 septembre, ce qui lui a valu cette sanction.
La décision de la HAC dénoncée par l’Union des journalistes reporters du Mali
« La liberté d’expression est en danger, la démocratie avec. Nous sommes dans la dictature de la pensée unique». Voici les propos tenus par Mohamed Attaher Halidou, jourlaniste malien sur Joliba TV News, le 30 septembre. Cette affirmation a été vérifiée puisque la chaîne JOLIBA TV News, créé en 2021 a été suspendue le mercredi 02 novembre dernier pour deux mois. Cette décision de la HAC illustre parfaitement la liberté de la presse menacée au Mali depuis plusieurs mois. En effet, après l’arrivée au pouvoir de la junte dirigée par le militaire Assimi Goïta, la presse malienne a commencé par avoir des problèmes.
C’est pour venir en renfort aux journalistes de Joliba TV News que l’Union des journalistes reporters du Mali « condamne avec la dernière rigueur » cette décision de la HAC, qu’elle qualifie de « décision sévère ». L’organisation invite la HAC (Haute autorité de la communication) à « reconsidérer » sa décision et s’inquiète de la détérioration du « respect de la liberté d’expression en cette période de transition » dans le pays. En outre, elle appelle le gouvernement à « considérer les voix discordantes de la presse comme une contribution à la réussite de la transition ».
Une « décision sévère »
Cette sanction s’explique par les « propos diffamatoires et des accusations infondées » contre la HAC elle-même et les autorités de la transition. Ce sont les accusations à l’endroit de la chaîne locale qui a diffusé une émission juste après le retour brillant et glorieux du colonel Abdoulaye Maïga de New York. Pour rappel, au cours de la 77e Assemblée générale de l’ONU, le colonel Maïga avait tenu un discours qui a enflammé les réseaux sociaux et défrayé les chroniques. Il avait non seulement prononcé un discours incendiaire contre la France, mais aussi contre certains présidents africains. C’est ce qu’a critiqué le journaliste de Joliba TV News.
Mohamed Attaher Halidou, lors de son émission du 30 septembre, pensait que ce discours contient « beaucoup de vérités mais nous devons aussi avoir le courage de dire qu’il manque par endroits d’élégance républicaine… Les colonels au pouvoir gouvernent avec l’opinion de la foule et la foule, par définition, ne réfléchit pas. Attention au naufrage ». Ce n’est qu’après avoir dit ces mots que le journaliste a appelé la HAC à « prendre ses responsabilités pour arrêter le désordre ».
La presse malienne est-elle menacée ?
Contacté par le journal Le Monde, un journaliste de Joliba TV News, préférant rester dans l’anonymat affirme que cette décision de la HAC est « excessive ». Pour lui, il s’agit d’une tentative de « musellement de la presse ». Il continue par dire qu’au Mali, certains sujets sont « devenus tabous » comme par exemple, « les relations entre notre pays et la France » ajoute-il.
Dans un entretien accordé au journal Le Monde le 28 octobre, le secrétaire général d’Amnesty International, Agnès Callamard affirme que « des journalistes sont menacés. Certains se cachent. Les gens ont peur, se sentent suivis, écoutés. Il y a toute une culture de l’autocensure qui se met en place. C’est alarmant ». Elle s’inquiète aussi de la « restriction des libertés individuelles » en cours dans le pays.
Aujourd’hui, le Mali a perdu 12 places dans le classement sur la liberté de la presse en 2022 réalisé par Reporters sans frontières, passant du 99e au 111e rang mondial. Selon un reporter malien sous couverte de l’anonymat témoigne qu’au Mali, « on ne peut plus travailler. Quelques confrères ont quitté le pays, d’autres ont décidé de se taire. Tout le monde a peur ». Il évoque même qu’il existerait une liste dressée par la junte au pouvoir, qui contient les noms des journalistes à « faire taire ».
« Il faut que ces pressions cessent. Nous craignons que le Mali devienne un véritable trou noir de l’information », souligne Sadibou Marong. Le directeur du bureau Afrique de l’Ouest de Reporters sans frontières et qui condamne la « mesure de censure » imposée à Joliba TV News et dénonce aussi les « pressions exercées par la junte sur les médias internationaux » qui ont contraint certains à délocaliser la plupart de leurs collaborateurs hors du Mali, pour leur sécurité.
La rédaction
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